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RÉTROSPECTIVE DE LA PREMIÈRE CINÉASTE BULGARE NOUS ÉTIONS JEUNES, DE BINKA ZHELYAZKOVA /
Nous étions jeunes (1961, 1h50), de Binka Zhelyazkova. De jeunes gens ordinaires organisent un commando de résistants pendant la Seconde Guerre mondiale. Comment protéger son innocence et sa capacité d’aimer dans une situation où chaque instant, chaque geste, chaque regard peut vous perdre ?
Binka Zhelyazkova, première femme réalisatrice en Bulgarie, mélange perfectionnisme et anticonformisme, influences du néo-réalisme italien et de la Nouvelle Vague, en créant une œuvre originale et sans compromis. — Anelia Kasabova, Cultural Opposition.
Précédé de Gloria Victoria (2012, 7 min), de Theodore Ushev, en sa présence. Séance présentée par Ralitsa Assenova, programmatrice d’un festival de cinéma à Sofia.
Binka Jeliazkova (1923-2011), première femme réalisatrice en Bulgarie, l’une des rares femmes cinéastes sur la scène internationale dans les années 1950-1960, se fait rapidement une réputation de « bad girl » du cinéma bulgare : même si très appréciés à l’étranger, dans son propre pays quatre de ses neuf films seront bannis des écrans jusqu’à la chute du régime.
Après des études de théâtre, à Sofia, elle débute sa carrière comme assistante de réalisation au studio de film Boyana, puis comme réalisatrice dès 1957. En tout Binka Jeliazkova réalisera deux documentaires et sept longs-métrages, dont cinq en collaboration avec son mari, le scénariste, poète et écrivain Hristo Ganev. Quatre de ces films seront interdits à la distribution et ne rencontreront leur public qu’à la chute du régime.
Avec la sortie de leur premier film, La vie s’écoule paisiblement… « Partisans » , en 1957, Binka Jeliazkova et Hristo Ganev, pourtant communistes convaincus, font aux yeux du Parti figures de dissidents. Le film est l’un des premiers du Bloc de l’Est à révéler l’écart entre l’état socialiste et l’idéal communiste, dénonçant la crise éthique, le relâchement moral, la corruption et les abus de pouvoir. Le film, qui provoqua un scandale, fut banni par décret ministériel, avec interdiction formelle d’en parler ou d’écrire à son propos. Ce n’est qu’en 1988, soit trente et un ans après sa création, qu’il put rejoindre son public.
Le cinéma de Binka Jeliazkova est à la fois avant-gardiste et engagé. Il se situe entre recherche formelle, critique politique et réflexion philosophique. Son style, exigeant et travaillé, tissé de profondes métaphores, a pu être comparé à celui de Fellini et de Tarkovsky. Ses films, dans leur manière de penser et leur esthétique, s’opposer au réalisme socialiste.
Il y a dans l’attitude de retrait de Binka Zhelyazkova, intellectuelle de gauche attachée à l’idéal communiste, une forme de malaise moral face au régime, lequel exercera sur elle, comme sur tout intellectuel dissident, une pression constante : censure périodique de ses films, interdiction temporaire de travailler, publication d’articles à charge dans la presse spécialisée dénonçant ses écarts de conduite… Ce qui ne l’empêchera pas d’être gratifiée par la République populaire de Bulgarie, dans les années 1960, du prix Dimitrov pour sa contribution à la science, l’art et la culture.
Dans tous ses travaux, elle a cherché à mettre en évidence le décalage entre l’idéal communiste et la réalité, l’usage du pouvoir à des fins personnelles, la compromission et le conformisme. Sanctionnés et censurés dans la Bulgarie socialiste, ses films ont contribué à forger les codes d’une avant-garde au style métaphorique et expressif qui compose l’essence de la « nouvelle vague bulgare » et a fait l’objet d’une reconnaissance internationale – à Cannes, Moscou, Montréal, Berlin, Buxelles et ailleurs.
Pour leurs positions artistique et politique Binka Jeliazkova et Hristo Ganev ont été récompensés en 2007 par le Ministère de la Culture pour leur contribution au cinéma bulgare.
Source : Cultural Opposition, par Anelia Kasabova (Traduit de l’anglais par Suzanne Côté)
Cinéma
14h15
sam. 27 novembre 2021
Christine Cinéma Club
4, rue Christine
75006 Paris
Invité(s) : Theodore Ushev /